Archives de l’Auteur Jean-Paul Moiraud

Des peintres de la grotte de Niaux à la période numérique

Ludovia s’achève et je n’ai pas eu le temps de bloguer, tiraillé entre les multiples tâches (twitter, assister aux conférences, rédiger des notes de synthèse, présenter les mondes virtuels aux fabcamp). On commence tôt et on fini tard. Je vais tenter a posteriori une synthèse.

Nous avons largement débattu des enjeux des nouvelles technologies dans les dispositifs éducatifs.  La place importante  qu’occupent celles ci (dont certaines méritent encore le qualificatif de nouvelles), ne doit pas nous faire oublier que nous avons enraciné en nous cette envie de l’encyclopédisme, le désir de transmettre, l’envie de recevoir, et ce depuis des temps immémoriaux. Nous sommes les héritiers des peintres de Niaux (1)  et du grand vizir de Perse Abdul kassem Isma’Il , qui,  afin de « ne pas se séparer  durant ses voyages  de sa collection de cent dix sept mille volumes, faisait transporter ceux ci par une caravane de quatre cents  chameaux entraînés à marcher par ordre alphabétique » Alberto Manguel (2). Utiliser les reliefs pariétaux d’une grotte pour donner un effet de mouvement à une représentation animale ou dresser des chameaux  pour classer ses ouvrages, se réunir à Ludovia, autant de stratégies destinées à diffuser le savoir.

Ce billet sera construit en s’inspirant du principe du kaléidoscope. À défaut de pouvoir livrer une image nette, aux contours précis de ces quatre jours de présence à Ludovia, je tenterai de vous présenter mes impressions,au sein des fragments des différents miroirs du dispositif, en espérant qu’ils ne  soient pas trop déformants. L‘image que je vais vous présenter sera l’assemblage de mes perceptions sur les politiques de élus, sur la vision des psychiatres de  la culture du livre et de la culture du numérique. Ce sera aussi une réflexion sur l’émergence des nouveaux espaces numériques

La présence des élus à été soulignée par tout le monde. Nul n’est resté insensible à leur présence, que se soit sous forme de tweet furibard par Serge Soudoplatoff (numéro un des tweets et RT pendant une période) qui déplorait leur trop grand nombre, ou  par l’assistance nombreuses venue écouter les débats . Les séminaires auxquels j’ai assisté ont mis en exergue un clivage français historique.  J’entends par là l’opposition traditionnelle entre les girondins et les jacobins ou de façon plus explicite l’état du rapport de force entre l’État et les collectivités locales. Nicole Belloubet a dit lors d’une intervention « n’ayez pas peur des élus ». C’est  une belle invite,me semble t-il, à un débat autour d’une question, que je qualifierais de  tabou. Peut-on donner une part  compétences pédagogiques aux collectivités locales ? Le volet trois décentralisation nous donnera peut être des pistes (des réponses ?) sur cette question politiquement sensible, à fortiori dans un contexte de crise.

Dans un tweet, je résumais ce débat en disant « les payeurs, ne sont pas les décideurs ». Les payeurs sont dans une situation inconfortable. Ils oscillent entre l’exercice de la compétence liée du  financement des outils numériques et la necessité d’évaluer la pertinence des usages pédagogiques (traduisez le ROI des investissements). Afin de s’acquitter au mieux de cet impératif de bon emploi des ressources publiques, les collectivités locales mettent en place des observatoires (quantitatifs et qualitatifs) pour analyser l’adéquation (ou l’inadéquation) des investissements au regard des usages pédagogiques des enseignants. Les COCA (5) de la ville de Saint Maur des Fossés est un exemple intéressant de ce point de vue.

La vraie force de Ludovia est cette volonté affirmée d’établir des ponts entre les préoccupations des enseignants pédagogues et les politiques.  Je crois même que c’est l’intelligence des organisateurs, qui va à l’encontre d’un certain discours (naïf) qui tendrait à faire croire que tout se résout par la pédagogie et seulement par la pédagogie. Le champ du pédagogique  n’a de sens que si on  l’immerge dans un bain social où le politique à sa place (et toute sa place). Oserait-on dire que Langevin et Vallon n’avait d’engagements, que pédagogiques ?

La présence de Serge Tisseron, qui nous a brillamment expliqué la différence entre la culture du livre  et la culture numérique, posait en filigrane, un débat sur l’espace éducatif. Le numérique nous donne à conquérir, à explorer de nouveaux horizons aux structures protéiformes.  La culture du livre qui est apparue avec le livre sacré, est dans une phase de basculement ou elle doit composer avec la culture numérique, la culture du jeux.

L’espace, sans être clairement évoqué, était une thématique très présente. La tablette numérique à fait l’objet de nombreuses communications. Il apparaît que notre rapport aux écrans  se transforme. La posture numérique première  de l’homme derrière son écran est en train de vaciller. Les diverses  interventions montraient assez clairement que les enseignants et les élèves se déplacent  avec leur écran. Une nouvelle géographie se dessine, enseigner et apprendre dans la classe, enseigner et apprendre hors la classe. Dans cet espace reconfiguré, beaucoup revendiquent leur part de virtuel, voire de monde virtuel. Il s’agit évidemment d’un concept polysémique, je pense même que  son utilisation systématique en appauvrit le sens, lui fait perdre de sa substance. Nous avons à engager un travail de balisage de ce champ lexical afin de le rendre moins confus. La lecture des ouvrage de Marcello Vitali-Rosati sur le virtuel (3) me semble être une excellente entrée en matière.

Un espace numérique semble émerger avec force, celui des jeux sérieux, les amateurs d’anglicismes préfèreront le terme de « serious game ». Des collègues de toute la France ont expliqué et analysé leurs expériences. À la lumière des présentations, il me semble que nous nous situons à un moment charnière des environnements 3D, celui de la fusion entre le  game et les environnements immersifs. En préalable de Ludovia j’avais rédigé un billet en m’appuyant sur les propos de  B Stora dans l’ouvrage dirigé par Serge Tisseron (4) pour analyser cette possible fusion.

Twitter s’est imposé comme un espace de communication très efficace. Le hashtag (#) ludovia2012 a beaucoup circulé sur les réseaux pendant les quatre jours des débats. Je me posais la question suivante pendant les tables rondes  : « et si nous donnions une impulsion supplémentaire à twitter ? » Pour l’instant les tweets  sont dans une dynamique de « push », l’information va du colloque vers  l’extérieur. Il me semble qu’il serait possible d’entrer dans une dynamique de « pull » c’est -à- dire de l’extérieur vers le colloque. Ne pourrait-on pas permettre, aux  internautes disposés à interagir à distance,  de poser des questions ? Il s’agirait dans ce cadre, de créer une dynamique élargie avec le ROL ( rest of ludovia). Cela entraînerait l’obligation de créer une fonction de community manager pour trier les tweets et relayer les questions aux intervenants (en tout cas pour les séances relayées par streaming). Il serait ainsi possible d’élargir le débat vers un espace plus large. Ce serait assurément une façon  de penser les nouveaux espace du web et d’inscrire sa dynamique, par un principe de mise en abyme.

Je regrette que Ludovia n’ait pas ajusté la focale sur la FOAD. Ce mode de formation n’est pas encore mature pour la formation initiale, c’est certainement  un espace de formation à définir.En imaginant de façon prospective la FOAD en formation initiale on ouvre un espace de réflexion. Historiquement le métier de professeur est inscrit dans un système organisé sur le principe de l’unité de temps et d’espace. Le numérique à déjà fait basculer cette organisation en ouvrant la classe sur le monde. Peut-on en l’état faire entrer la FOAD  dans les dispositifs de formation initiale ? Certes elle existe pour des enseignements spécialisés (enfants malades, grands sportifs …) mais quid de l’enseignement de masse ? Les déclarations de Vincent Peillon lançant le principe du site en ligne pour aider les élèves en difficulté sont peut être l’occasion de penser cette nouvelle dynamique. Il me semble qu’à terme il faudra penser le tutorat dans les dispositifs de formation initiale. En disant cela le pense  lancer un pavé dans la mare, parce que le propos déconstruit un système établi.

Les potentialités  des outils numériques s’expriment aussi dans leur capacité d’ouvrir l’espace de l’école sur l’extérieur. Une ouverture  à bien des égards perturbante, puisqu’elle introduit dans les champs des apprentissages la vie privée. Les smartphones fascinent nos adolescents qui ont, très rapidement, développé des usages privés . L’école peine encore à les insérer puisque la vie privée télescope la vie scolaire. Peut-on utiliser ces technologies invasives dans les classes ? faut-il interdire ? Autoriser mais sous quelles conditions ? La lecture du livre de Stefana Broadbent nous aide à poser des jalons (6)

Nous avons une année scolaire et universitaire pour prolonger tous ces débats, dans nos classes et laboratoires de recherches. Gageons que cette année à venir soit féconde et nous permette de venir alimenter les réflexions de Ludovia 2013 et … son anniversaire !

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(1) la grotte de Niaux http://www.sesta.fr/fr/grotte-de-niaux/detail/1/presentation-1

(2) « Une histoire de la lecture », éditions actes sud, Alberto Manguel

(3) Marcello Vitali-Rosati « Circuler dans le virtuel », (2011), Corps et virtuel : Itinéraires à partir de Merleau-Ponty,  son site personnel – http://www.vitalirosati.eu/

(4) « Mondes virtuels et jeux vidéos, réflexions à partir d’un livre  de Serge Tisseron »,  blog de Jean-Paul Moiraud « ludovia, quel plaisir d’apprendre »(2012). https://moiraudaludovia.wordpress.com/2012/08/20/mondes-virtuels-et-jeux-videos-reflexions-a-partir-dun-livre-se-serge-tisseron/

 (5) COCA, observatoire oppidum http://94.citoyens.com/2011/saint-maur-des-fosses-laboratoire-du-numerique-a-l%E2%80%99ecole-avec-le-projet-oppidum,01-11-2011.html

(6) Stefana Broadbent, l’intimité au travail : la vie privée et les communications personnelles dans l’entreprise, éditions FYP (2011)

Ludovia, c’est lancé

Définition du monde virtuel, lieu pédagogique immersif

La somme de mes travaux et observations me permet de proposer une définition :

Le monde virtuel est un monde en trois dimensions (3D) créé à l’aide d’un logiciel et d’une programmation spécifiques. Le monde est en général une représentation de lieux réels mais il peut être aussi une construction purement imaginaire élaborée dans le cadre d’une démarche plastique. Il permet à un groupe de personnes éclatées géographiquement et placées en situation immersive d’interagir. Les acteurs du dispositif peuvent, à l’aide d’avatars, d’objets ou d’une vue subjective, parler, écrire, gérer des attitudes corporelles, se déplacer, y compris en s’affranchissant les lois physiques du monde réel. Le groupe constitué partage un intérêt commun, défini dans un projet élaboré de façon formelle. Les apprenants seront mis en situation d’acquisition de savoirs et de compétences en reproduisant des situations du réel. Les situations sont reproductibles à l’infini, elles permettent d’analyser des situations simples (des routines) ou extra – ordinaires. Le monde virtuel de simulation combine des constructions scénarisées au service d’enjeux d’enseignement et d’apprentissage.

La dénomination monde virtuel n’est peut être pas tout à fait adaptée aux enjeux pédagogiques. L’expression lieu pédagogique immersif serait certainement à privilégier. Cet espace 3D est un lieu d’intériorisation pédagogique c’est-à-dire que les acteurs vivent l’expérience dans ce monde en ayant accepté de déconstruire leurs habitudes spatiales et temporelles du réel pour le reconstruire dans l’espace immersif.

Le monde virtuel se différencie des serious games et des jeux en ligne par la dominante de l’intelligence humaine dans la construction et la réalisation des scénarios. Le serious game et le jeux vidéos sont pilotés en partie par de l’intelligence artificielle.

Mondes virtuels et jeux vidéos, réflexions à partir d’un livre de Serge Tisseron

La douceur lusitannienne est propice à la lecture et à la réflexion. Je viens de lire le livre de Serge Tisseron, M Stora et S Missonnier “l’enfant au risque du virtuel” (1) À peine entamé, je n’ai eu de cesse de le terminer tant il m’a passionné.

Certains passages de cet ouvrage m’ont renvoyé à mes questionnements sur les mondes virtuels, sur leurs structures et les conséquences sur les interactions humaines. Cette lecture m’a donné envie d’émettre quelques propositions, même si mon statut de professeur du secondaire est assez éloigné des réalités de la psychiatrie, et de la psychanalyse, j’y vois cependant un espace commun réflexif. Veuillez me pardonner si je profère quelques inexactitudes au regard du métier de thérapeute, notamment sur les qualités de psychanalyste, psychiatre et psychologue.

NB : dans ce billet j’utiliserai abondamment la notion de monde virtuel. Ce terme étant polysémique, réduisant trop souvent le terme à la seule notion de numérique, je tiens à préciser que j’entends ce concept dans le cadre de la définition que j’ai proposée :

Le terme de monde virtuel est polysémique, tout le monde veut sa part de virtuel, il devient difficile de cerner les contours de ce concept (2). j’ai proposé cette année une définition des mondes virtuels tels que je les aborde dans mon travail, j’y aborde notamment les différences perçues avec le jeu vidéo.

“Le monde virtuel est un monde en trois dimensions (3D) créé à l’aide d’un logiciel et d’une programmation spécifiques. Le monde est en général une représentation de lieux réels mais il peut être aussi une construction purement imaginaire élaborée dans le cadre d’une démarche plastique. Il permet à un groupe de personnes éclatées géographiquement (ou pas) et placées en situation immersive, d’interagir. Les acteurs du dispositif peuvent, à l’aide d’avatars, d’objets ou d’une vue subjective, parler, écrire, gérer des attitudes corporelles, se déplacer, y compris en s’affranchissant les lois physiques du monde réel. Le groupe constitué partage un intérêt commun, défini dans un projet élaboré de façon formelle. Les apprenants seront mis en situation d’acquisition de savoirs et de compétences en reproduisant des situations du réel. Les situations sont reproductibles à l’infini, elles permettent d’analyser des situations simples (des routines) ou extra – ordinaires. Le monde virtuel de simulation combine des constructions scénarisées au service d’enjeux d’enseignement et d’apprentissage.”

“La dénomination monde virtuel n’est peut être pas tout à fait adaptée aux enjeux pédagogiques. L’expression lieu pédagogique immersif serait certainement à privilégier. Cet espace 3D est un lieu d’intériorisation pédagogique c’est-à-dire que les acteurs vivent l’expérience dans ce monde en ayant accepté de déconstruire leurs habitudes spatiales et temporelles du réel pour le reconstruire dans l’espace immersif.

Le monde virtuel se différencie des serious games et des jeux en ligne par la dominante de l’intelligence humaine dans la construction et la réalisation des scénarios. Le serious game et le jeux vidéos sont pilotés en grande partie par de l’intelligence artificielle.”

En posant les limites entre les jeux vidéos et les mondes virtuels j’interroge les termes de l’interaction et son mode de pilotage. Le jeu vidéo fonctionne à partir d’une structure à dominante d’intelligence artificielle, le monde virtuel est organisé principalement par de l’intelligence humaine (même si elle est asservie par un environnement logiciel). Les scénarios vont donc être structurellement différents et conditionneront par la même le type d’interaction et de coopération au sein du jeu /monde.

Michael Stora évoque dans le chapitre “jeu vidéo, un nouvel enjeu thérapeutique ” le besoin de réaliser une version de jeu qui permettrait au psychologue d’accompagner le patient dans ses choix et ses aventures. Il dit ” Ce projet m’est venu à partir de la frustration que je ressens au centre de Pantin ou je ne peux pas, dans le jeu vidéo lui même, avoir une fonction d’accompagnement, de coopération et d’accélération du transfert, alors que cela m’est possible quand je joue aux playmobil avec un enfant en intervenant avec un personnage pour entrer dans son jeu”.

La question soulevée par Michael Stora renvoie directement à mes interrogations sur les mondes virtuels et leur proximité / différence avec les jeux vidéos. Comment s’exprime l’interaction dans les univers virtualisés ? Le monde persistant favorise t-il l’interaction humaine synchrone ? Quel est le degré d’interaction ? Le monde virtuel est -il LE lieu d’interaction, le monde réel étant réduit au lieu nécessaire d’accès à la virtualité (i.e l’indispensable et encore nécessaire connexion à la machine).

Je vois deux éléments caractéristiques de jeux vidéos :

– Dans un jeu vidéo le joueur est dirigé par le cadre imposé par l’équipe de développement. Aussi riche soit l’histoire, les graphismes, les sons, les vidéos, l’interaction humaine est cadrée par un scénario que l’on ne peut transgresser. Il est impossible de varier du cadre préétabli, il est impossible de le faire varier. Seule l’intervention humaine peut modifier en amont et par voie de programmation la structure du jeu : “Un des plus grand créateur de jeu, Kojima, a eu ainsi l’idée d’introduire dans la dernière version de “metal gear solid” une horloge interne au jeu. À un moment donné un panneau s’affiche sur l’écran et dit au joueur : “tu joues très bien mais depuis trop longtemps. Tu vas te reposer un peu”/…/ En effet cette règle créée par le programmateur est acceptable par le joueur” ibid. page 163.
– Dans un jeu vidéo, celui qui observe, celui qui analyse, que se soit un thérapeute dans le cadre de son travail, ou un tuteur/enseignant dans un dispositif de FOAD, est toujours dans une posture d’extériorité . Il n’a pas la possibilité d’interagir en mode immersif (s’il le souhaite) pendant le jeux , son intervention s’inscrira dans un rapport d’humain à humain (in the real life). À ce niveau, il faut distinguer deux niveaux d’interaction que je qualifierais d’asynchrones :
. celui de la phase de jeu à qui on a fixé sa fonction d’usage (thérapie, apprentissage)
. celui de la phase de synthèse, d’analyse du processus à posteriori.

Cette dichotomie liée à la structure du jeu vidéo met l’observateur hors processus interactif immersif pendant la phase de jeu. Il doit se contenter d’observer dans un premier temps, il cherchera à expliquer, à synthétiser dans un second temps.
Cette asymétrie m’a toujours paru être un obstacle à l’efficience des jeux vidéos dans un processus interactif virtuel. Il est difficile (pour ne pas dire impossible) de tordre un système rigidifié par des lignes de code afin de le rendre complètement interactif, humainement interactif oserais je dire !

Il me semble que l’interaction est divisée en deux périodes :

1 ) Le temps du jeu dans un dialogue homme / machine / logiciel, 2 ) Le temps de l’analyse (au sens non psychanalytique du terme), disons plus communément la synthèse. Le jeux reste donc un temps séquencé au sein d’un dispositif plus large.

On pourrait me rétorquer que les jeux en lignes sont la réponse évidente à mes interrogations. C’est juste en partie, au sens ou on peut s’immerger avec un groupe de pairs avec qui l’on partage des intérêts communs. Au delà, le jeux en ligne répond modérément aux exigences d’accompagnement (tutorat pour l’aspect pédagogique ) car il me semble difficile de bâtir une relation de travail avec un groupe restreint, voire une seule personne dans un dispositif massivement multijoueurs.

Les jeux en ligne sont de l’ordre du “massive players system” lorsque l’on souhaite être dans une relation en mode “one to one” la possibilité d’une présence d’autres personnes étrangères au processus peut se révéler être un frein à la relation virtuelle.

La construction de son avatar doit répondre à une logique du jeu, on sera soit un combattant, un elfe, un nain, un Gobelin, un gangster (GTA), un policier (L.A noir) … Selon le jeu considéré. Le statut d’observateur extérieur (tuteur, thérapeute) n’est pas prévu puisque l’instrumentation des jeux vidéos à des fins autres que le “game” répond à ce ce Jacques Perriault définit comme ” la logique de l’usage” (2) Ils ont été conçus par leurs initiateurs avec une visée ludique (et seulement ludique) répondant à une logique de marché. Des praticiens pédagogues, psychanalystes, psychologues ont détourné les jeux de leur objectif initial pour des usages d’apprentissage (3) dans certains cas, thérapeutiques dans d’autres.

Il en ressort que les usages atypiques (détournés) des jeux vidéos sont la résultante d’une forme initiale de bricolage (au sens au Claude Levi Strauss l’entend dans la pensée sauvage) très élaboré (4)

Le bricolage consistant à concevoir des outils qui répondent à des besoins spécifiques, oblige le bricoleur à un moment donné à se confronter aux limites des ses constructions. Michael Stora évoque cette question en écrivant les lignes suivantes : “je me prends aussi à rêver de réaliser un jeu vidéo à visée thérapeutique” /…/ “Une autre idée serait de réaliser une version de jeu qui permettrait aux psychologue d’accompagner le patient dans ses choix et ses aventures” /…./ ” On pourrait donc très bien imaginer un jeu où le thérapeute et l’enfant seraient incarnés par des personnages choisis dans une palette de figures symboliques et partageraient ensemble une aventure dont ils pourraient parler” (6)

Le monde virtuel, tel que je l’entends et tel que je lai défini précédemment n’est-il pas une esquisse de solution pour les thérapeutes ? Je vais tenter de donner des pistes en explicitant la place du scénario humain implémentant la machine dans un contexte de virtualisation.

. Le monde virtuel est un environnement où les acteurs peuvent à la fois simuler des situations du réel à partir de scénarios construits , jouer, dialoguer, se rencontrer dans des lieux dédiés … Le lieu d’interaction n’est plus l’espace du réel qui abrite les corps réels mais bien l’espace virtualisé construit. L’ordinateur est réduit au rôle d’interface de transfert (du réel vers le virtuel ) Le professeur, le thérapeute et leurs interlocuteurs peuvent travailler dans le même lieu réel (lieu de présence des ordinateurs) ou à distance (charge aux acteurs de déterminer cette distance). Dans l’hypothèse d’une présence simultanée des acteurs du processus dans le monde virtuel, on peut choisir d’être en face à face ou opter pour l’observation à distance en utilisant les propriétés de la vue augmentée (voir les captations vidéos sur ma chaine YouTube / mondes virtuels)

. Le monde virtuel LE lieu unique d’interaction ;

Alors que dans un jeu vidéo il est nécessaire de gérer les périodes d’interaction de façon alternative (la période de jeu, puis la période de dialogue), dans un monde virtuel l’interaction s’exerce dans le lieu virtuel via un ensemble d’artefacts numérisés (avatar construit, geste, parole, déplacements …). L’environnement permet de travailler en mode synchrone et permet d’instaurer une relation duale.

. Le monde virtuel est scénarisable à l’infini puisque la présence de la dominante humaine permet de donner une extrême plasticité aux scénarios ;

Dans un monde virtuel, les concepteurs peuvent scénariser leurs interactions selon les options choisies. Il est loisible de créer son environnement et de paramétrer les situations. Il est même possible, en s’appuyant sur l’expérience de dental Life, d’insérer un serious game dans le monde virtuel.

. Le monde virtuel un lieu d’expérimentation pour le corps médical.

Mes propos, même s’ils sont inspirés factuellement par un temps de lecture estival, reposent sur une observation des pratiques virtuelles dans le monde médical (je suppose que le domaine de la psychologie, de la psychiatrie et de la psychanalyse se rattachent à ce champ scientifique). J’ai abondamment analysé les travaux des urgentistes de l’université Paul Sabatier de Toulouse (8) sur la médecine de catastrophe et ceux des odontologues de ” Dental Life” de l’université de Strasbourg (9). Dans tous les cas observés le besoins d’interaction synchrone entre humains est à l’origine des projets.

En conclusion de ce rapide billet estival il me semble qu’il serait peut être possible d’explorer le champs des mondes virtuels dans le domaine de la psychiatrie, psychanalyse, psychologie. Sont-ils une solution complémentaire ? Mon propos est-il hors sol ? Cela reste à démontrer bien évidemment, la hardiesse de mes propos n’a pas la prétention scientifique.
Cependant il me semble que la réflexion de thérapeutes pourrait tout à fait s’inscrire dans le cadre du séminaire totalement dématérialisé que j’aimerai organiser pour cette année scolaire /universitaire.

Rédiger un billet sur un blog est une forme de mise en abyme de mes propos. Je nourris l’espoir qu’il soit lu par l’un des auteurs de l’ouvrage passionnant qui a suscité ces quelques lignes. Dans l’hypothèse réjouissante où mes propos de vacances retiendraient leur attention, les colonnes de ce blog leur sont largement ouvertes pour engager le débat.

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(1) “l’enfant au risque eééedu virtuel, éditions Dunod, collection inconscient et culture, Serge Tisseron, S.Missonnier, M.Stora, (2006)

(2) Pour les réflexions sur le concept du terme virtuel, je renvoie le lecteur aux développements philosophiques de Marcello Vitalo Rosatti qui fait remonter le terme à ses origines grecques de dunaton et de dunamis. Marcello Vitalo Rosati, s’orienter dans le virtuel, éditions Hermann, collection, cultures numériques (2012) Podcast sur France culture du 15 /05 / 2012 le virtuel existe t-il ? http://www.franceculture.fr/personne-marcello-vitali-rosati

(3)La logique de l’usage,essai sur les machines à communiquer, Jacques Perriault, Flammarion (1992)

(4) Opérabis et la logique de l’usage, à propos du téléphone et des mondes virtuels, Jean-Paul Moiraud, blog, (2011)http://moiraudjp.wordpress.com/2011/01/25/operabis-une-nouvelle-machine-a-communiquer/

(5) le bricolage pédagogique, Jean-Paul Moiraud, blog (2012)http://moiraudjp.wordpress.com/2011/06/06/bricolage-quelques-reflexions/

(6) “l’enfant au risque du virtuel”, éditions Dunod, collection inconscient et culture, Serge Tisseron, S.Missonnier, M.Stora, (2006), page 165

(7) “l’enfant au risque du virtuel”, éditions Dunod, collection inconscient et culture, Serge Tisseron, S.Missonnier, M.Stora, (2006), page 166

Scénarios et mondes virtuels

Une vidéo pour illustrer la typologie des mondes virtuels puisque ce sera le thème de mon intervention lors du barcamp

La typologie proposée :

  • Le monde virtuel comme instrument de formation en ligne, un lieu immersif de reproduction du lieu de formation. Mes cours sont de ce type. Les besoins exprimés sont de l’ordre spatial et temporel, le monde virtuel permet de gérer les interactions humaines pour un groupe géographiquement éclaté. L’inconvénient de la dispersion des compétences peut être résolu via les réseaux. Ce blog regorge d’exemples et d’analyses sur ce point
  • Le monde virtuel comme instrument de simulation – Le monde virtuel est paramétré pour que les acteurs simulent des situations du réel « possibilité de recréer des situations exceptionnelles pour mettre en situation des gens face à des situations qu’ils rencontreront rarement » Laurent Gout (2011). Le monde ne se substitue pas à l’acquisition de routines dans la vraie vie mais il permet d’anticiper des situations atypiques sans conséquences effectives IRL. Le monde virtuel permet d’analyser des situations extra – ordinaires par un procédé de répétition et d’analyse par retour en arrière (voir vidéo N° 2). Le monde dentallife s’inscrit dans cette dynamique de simulation ainsi que la salle d’urgence de l’impérial college of London.
  • Le monde virtuel comme lieu d’immersion dans un élément de savoir, comme processus spécifique. Les acteurs sont immergés dans une représentation du savoir (exemple des champs magnétiques) et interagissent avec l’environnement. Il semble qu’il soit possible, à ce stade, de croiser les travaux de ceux qui œuvrent dans les mondes virtuels et ceux qui développent des systèmes 3D.
  • Le monde virtuel comme instrument de co-construction des savoirs – Dans certains domaines il est possible d’utiliser le monde virtuel comme lieu de construction de concepts. L’exemple de collaboration entre une université américaine et une université Égyptienne est un bon exemple :
« Visionaries like Dr. Amr Attia from Cairo’s Ain Shams University and California-based architect David Denton, have volunteered countless hours and joined forced with Kara Bartelt at the USC School of Architecture to organize this project, with modest support pledged from the United States Department of State to realize Obama’s ‘Kansas to Cairo’ vision – a project they first discussed at a panel hosted by the State Department last June (read more about this architectural panel held in Second Life on america.gov or watch video coverage here). » Source (Credit) Arch virtual
On dépasse le cadre classique du cours frontal immersif distant, ou l’immersion dans un concept immersif déjà construit pour entrer dans le domaine de la co-construction entre enseignants et apprenants. Le monde virtuel est LE lieu de création.

Quelques liens sur les mondes virtuels

Les mondes virtuels restent encore méconnus du grand public et pourtant … La communauté pédagogique est active. Lorsque l’on évoque les mondes virtuels, leurs enjeux la question la plus fréquente est la suivante « Bon ! mais ça ressemble à quoi ? »

Je vais procéder par induction, commencer par montrer des exemples puis expliquer, développer. Vous trouverez ci-dessous un ensemble de liens qui vous permettront de commencer à vous immerger dans cet univers

  • Ma chaine Youtube sur les mondes virtuels. Un ensemble de captation vidéos réalisées au cours de mes travaux – La chaine mondes virtuel
  • Carnet de voyage en monde immersif
Mondes virtuels – Carnet de voyage
  • Quel est ton avatar ?
Rencontres immersives. Quel est ton avatar ?
  • Médecine et monde virtuel
La simulation en monde virtuel – Le cas de la médecine
  • L’opéra dans les mondes virtuels
operabis-mozart

Atelier monde virtuel

Programme Ludovia

J’interviendrai à l’atelier « ExplorCamps et FabCamps »intitulé « atelier de fabrication de cours à l’aide du numérique. Fabrication d’une ressource numérique autour du jeu ». Mon intervention consistera à présenter les enjeux de la construction d’une structure pédagogique instrumentée par un monde virtuel.

Les mondes virtuels, la simulation, le 3D sont encore des terrains largement en friche, à explorer. Le terme virtuel étant polysémique et trop souvent associé au terme numérique, je souhaite donner une définition préalable pour cerner le champ de l’intervention. Cette définition n’est pas encore stabilisée mais elle me sert de base de travail.

1) Le monde virtuel  est un monde en trois dimensions (3D) créé à l’aide d’un logiciel et d’une programmation spécifiques. Le monde est en général une représentation de lieux réels mais il peut être aussi une construction purement imaginaire élaborée dans le cadre d’une démarche plastique. Il permet à un groupe de personnes éclatées géographiquement et placées en situation immersive d’interagir. Les acteurs du dispositif peuvent, à l’aide d’avatars, d’objets ou d’une vue subjective, parler, écrire, gérer des attitudes corporelles, se déplacer, y compris en s’affranchissant les lois physiques du monde réel. Le groupe constitué partage un intérêt commun, défini dans un projet élaboré de façon formelle. Les apprenants seront mis en situation d’acquisition de savoirs et de compétences en reproduisant des situations du réel. Les situations sont reproductibles à l’infini, elles permettent d’analyser des situations simples (des routines) ou extra – ordinaires. Le monde virtuel de simulation combine des constructions scénarisées au service d’enjeux d’enseignement et d’apprentissage.

La dénomination monde virtuel n’est peut être pas tout à fait adaptée aux enjeux pédagogiques. L’expression lieu pédagogique immersif serait certainement à privilégier. Cet  espace 3D est un lieu d’intériorisation pédagogique c’est-à-dire que les acteurs vivent l’expérience dans ce monde en ayant accepté de déconstruire leurs habitudes spatiales et temporelles du réel pour le reconstruire dans l’espace immersif.

Le monde virtuel se différencie des serious games et des jeux en ligne par la dominante de l’intelligence humaine dans la construction et la réalisation des scénarios. Le serious game et le jeux vidéos sont pilotés en partie par de l’intelligence artificielle.

2 ) Le monde virtuel de simulation est un monde en trois dimensions (3D) créé à l’aide d’un logiciel et d’une programmation spécifiques. Le monde est en général une représentation de lieux réels mais il peut être aussi une construction purement imaginaire élaborée dans le cadre d’une démarche plastique. Il permet à un groupe de personnes éclatées géographiquement et placées en situation immersive d’interagir. Les acteurs du dispositif peuvent, à l’aide d’avatars, d’objets ou d’une vue subjective, parler, écrire, gérer des attitudes corporelles, se déplacer, y compris en s’affranchissant les lois physiques du monde réel. Le groupe constitué partage un intérêt commun, défini dans un projet élaboré de façon formelle. Les apprenants seront mis en situation d’acquisition de savoirs et de compétences en reproduisant des situations du réel. Les situations sont reproductibles à l’infini, elles permettent d’analyser des situations simples (des routines) ou extra – ordinaires. Le monde virtuel de simulation combine des constructions scénarisées au service d’enjeux d’enseignement et d’apprentissage.

En attendant le réalisation d’un diaporama spécial Ludovia, vous pouvez visualiser le travail présenté lors de l’atelier monde virtuel des Journées du e.learning à Lyon. Il vous donnera l’esprit de mon intervention future.